Qu’est-ce que la sensibilité chimique multiple (SCM) ?

Dimensions socio-économiques, handicap et autres dimensions intersectionnelles de la SCM

La sensibilité chimique multiple (SCM) est un état pathologique et un handicap qui affecte non seulement la santé, mais aussi de nombreux autres aspects de la vie. Les effets de la SCM comprennent les impacts socio-économiques, la discrimination des personnes handicapées liée au capacitisme et à l’exclusion, et l’aggravation d’autres inégalités intersectionnelles existantes qu’une personne peut subir en raison de sa classe, de sa race, de son sexe et de ses capacités. Le soutien et la défense de la SCM doivent tenir compte de toutes ces dimensions dans le cadre d’un mouvement plus large en faveur de la justice en matière de santé environnementale au Canada.

Lisez ci-dessous pour en savoir plus sur la variété des impacts croisés vécus par les personnes atteintes de SCM.

Veuillez noter que la plupart des sources citées ci-dessous proviennent de publications scientifiques internationales et ne sont donc disponibles qu’en anglais.

Impacts socio-économiques

Les effets socio-économiques de la SCM peuvent être accablants. Les personnes peuvent soudainement ou progressivement devenir incapables d’accéder aux bureaux, aux maisons, aux écoles, aux hôpitaux et aux lieux publics sans ressentir des symptômes invalidants, y compris des effets neurologiques, respiratoires et cognitifs. Les employeurs, qui peuvent ou non être conscients des besoins d’accessibilité d’une personne, peuvent refuser de procéder aux accommodements nécessaires pour permettre aux personnes de continuer à travailler dans un espace accessible et sûr. Les recherches et le travail des défenseurs des personnes handicapées montrent que de nombreuses personnes qui sont atteintes de SCM risquent de perdre leur emploi et/ou le perdent effectivement si des accommodements appropriés ne sont pas mis en place. Certaines personnes se retrouvent dans une situation de logement précaire ou sans logement. Leurs économies personnelles peuvent être épuisées et des dettes peuvent être contractées pour tenter de créer des conditions de vie sûres et de financer les coûts des traitements. Les traitements peuvent être coûteux et difficiles à obtenir. Les recherches menées dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2010 montrent qu’il existe un lien entre le fait d’être à faible revenu, une proportion plus élevée d’insécurité alimentaire et la SCM. Les données de l’ESCC de 2014 confirment également l’existence d’un faible revenu pour cette tranche de la population.

Les coûts sociétaux globaux de la SCM sont immenses. Il s’agit notamment de l’augmentation des dépenses de santé, des visites répétées chez des spécialistes et de nombreuses tentatives de diagnostic, de la perte d’opportunités d’emploi (les professionnels formés ne pouvant plus se rendre sur le lieu de travail), des soignants détournés d’autres tâches, de l’augmentation du stress interpersonnel avec les proches et de la baisse de la qualité de vie.

Une étude réalisée en 2000 a montré que les coûts directs et indirects liés à la SCM se chiffrent en milliards de dollars dans tout le Canada. Ces coûts sont liés à

  • Perte de productivité
  • Perte d’opportunités
  • Diminution de la base d’imposition
  • Coûts évitables en soins de santé
  • Prestations d’invalidité

Les impacts socio-économiques de la SCM sont liés aux impacts socio-économiques de la santé environnementale, de la pollution de l’air et du changement climatique. Santé Canada estime qu’en 2016, 15 300 décès par an étaient attribuables à la pollution de l’air ambiant au Canada. En 2016, la valeur monétaire totale estimée des effets sur la santé associés à la pollution de l’air était d’environ 120 milliards de dollars par an.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour étudier les impacts socio-économiques de la SCM. Il est prouvé qu’une approche multidisciplinaire et holistique de la prise en charge (telle que celle utilisée par le Service intégré de soins chroniques de la Nouvelle-Écosse ou la Clinique de santé environnementale de l’Ontario) est bénéfique pour l’utilisation des soins de santé.

Discrimination liée au capacitisme et l’exclusion

La SCM, comme beaucoup d’autres handicaps, est sujette à des formes de discrimination, de discrimination fondée sur la capacité et d’exclusion. Étant donné qu’il s’agit d’un handicap largement invisible, les individus se heurtent chaque jour à des barrières d’accès.

Qu’est-ce qu’une barrière et qu’est-ce qu’un handicap ? Selon la loi canadienne sur l’Accessibilité (2019) :

Barrière : « Tout élément — notamment celui qui est de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des déficiences notamment physiques, intellectuelles, cognitives, mentales ou sensorielles, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles (barrier) ».

Handicap : « Déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, trouble d’apprentissage ou de la communication ou limitation fonctionnelle, de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec une barrière nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société ».

Par exemple, la SCM peut entraîner un manque d’intégration sur le lieu de travail si elle n’est pas suffisamment prise en compte. Si les personnes atteintes de SCM perdent leur emploi en raison de barrières persistantes sur le lieu de travail, cela pouvant entraîner d’autres formes de discrimination, d’isolement et de précarité économique dont souffrent les personnes vivant avec un handicap. La stigmatisation et la discrimination empêchent également les personnes atteintes de SCM de rechercher des soins médicaux, un logement accessible et d’autres types de défense et de soutien. Les données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2005 montrent que parmi les personnes vivant avec la SCM qui ont signalé une réduction de leurs activités en raison d’un problème de santé à long terme, un grand nombre (23,3 %) ont déclaré avoir subi une discrimination ou un traitement injuste en raison de leur problème de santé.

Qu’est-ce que le capacitisme ?

Selon la Commission du droit de l’Ontario (2016) :

« [Le capacitisme] peut se définir comme un système de croyances, semblable au racisme, au sexisme ou à l’âgisme, selon lequel une personne handicapée est moins digne d’être traitée avec respect et égard, moins apte à contribuer et à participer à la société ou moins importante intrinsèquement que les autres. Le capacitisme peut s’exercer de façon consciente ou inconsciente et être inscrit dans les institutions, les systèmes ou la culture d’une société. Il peut restreindre les possibilités offertes aux personnes handicapées et réduire leur participation à la vie de leur collectivité.

Les attitudes capacitistes reposent souvent sur l’idée selon laquelle le handicap est une « anomalie de la normalité », plutôt qu’une variante inhérente et anticipée de la condition humaine. L’idée de l’anormalité du handicap a servi à justifier l’exclusion, la négligence, la maltraitance et l’exploitation des personnes handicapées dans une variété de contextes. Elle pourrait aussi favoriser les comportements paternalistes et condescendants à l’égard des personnes handicapées ».

Parmi les exemples de capacitisme associés à la SCM, on peut citer les attitudes selon lesquelles les personnes atteintes de SCM ne sont pas assez productives en raison de leur handicap, ou lorsque les gens affirment qu’ils « ne portent qu’un petit parfum » et que les personnes atteintes de SCM sont simplement « trop sensibles » ou « trop réactives » par rapport à une personne normale ou non handicapée. D’autres exemples incluent le fait que les personnes atteintes de SCM sont censées « apprendre à tolérer » ou « s’adapter » à des expositions invalidantes qui rendent les espaces partagés inaccessibles, parce que l’accessibilité des espaces est définie par les niveaux de pollution de l’air ou la présence de produits chimiques que les personnes valides sont capables de tolérer et auxquels elles sont capables de s’adapter.

Tout comme le racisme, le sexisme et le classisme, la discrimination fondée sur la capacité physique n’est pas nécessairement le résultat d’une mauvaise intention. Il s’agit plutôt d’un phénomène enraciné dans notre culture, auquel chacun participe. Chacun doit continuer à apprendre et à changer ses attitudes et ses actions par le biais de la défense et de la solidarité avec les personnes vivant avec un handicap.

L’un des meilleurs moyens de lutter contre la discrimination fondée sur la capacité physique est d’écouter les personnes handicapées et d’apprendre d’elles. Ne partez pas du principe qu’une personne qui a l’air valide ne vit pas avec un handicap.

Qu’est-ce que la production à accès collectif ?

Que se passerait-il si nous considérions les SCM comme des « capacités » ? Que se passerait-il si nous considérions les SCM comme une source importante de connaissances et d’expertise ? Comment cela pourrait-il changer la façon dont nous considérons les espaces partagés, l’air partagé que nous respirons, ou le fait de travailler ensemble pour résoudre des problèmes tels que la pollution et le changement climatique ?

Mia Mingus, militante pour les droits des personnes handicapées, nomme une idée, « l’accès collectif« , qui peut être comprise comme l’accès que nous créons collectivement, plutôt qu’individuellement. Nous partageons tous l’air et nous sommes tous interdépendants les uns des autres. Aimi Hamraie étend cette idée à l’environnement bâti, en soulignant que la conception et la construction d’espaces accessibles est une responsabilité partagée : « L’accès collectif peut être un objectif de conception matérielle et discursive qui met l’accent sur la relation entre les environnements bâtis et les conditions sociales et structurelles. L’accès collectif pour les personnes atteintes de SCM peut être réalisé lorsque ceux qui ne sont pas atteints de SCM apprennent de ceux qui vivent avec la SCM et sont guidés par eux. Ensemble, nous pouvons éliminer les barrières et créer des espaces sûrs et accessibles pour les personnes atteintes de SCM et d’autres handicaps liés à la qualité de l’air (notamment l’asthme, la BPCO, les migraines, l’hypothyroïdie et d’autres maladies auto-immunes, la fibromyalgie et les maladies cardiaques).

Autres impacts intersectionnels de la SCM : Classe, race, sexe, âge et capacités

Les effets croisés de la SCM sont importants. La SCM peut être liée à des formes de dépossession matérielle et créer des enjeux très différents pour les personnes au chômage, sous-employées, vivant dans la pauvreté, en situation d’insécurité en matière de logement ou sans logement.

Par exemple, les locataires atteints de SCM peuvent avoir beaucoup de mal à trouver un logement accessible et sûr. Actuellement, il est très difficile de trouver un logement abordable au Canada. Il est encore plus difficile de trouver un logement accessible et abordable pour les locataires atteints de maladies chroniques ou de handicaps. Il existe un écart salarial pour les personnes handicapées au Canada, qui est encore plus prononcé si elles vivent de l’aide sociale ou d’un revenu d’invalidité.

Les personnes handicapées qui sont confrontées à des obstacles liés à la qualité de l’air ou à d’autres aspects de la santé environnementale dans leur logement se retrouvent dans une double contrainte, car elles peuvent avoir l’impression que le fait d’exprimer leurs besoins en matière d’accès peut mettre en péril la sécurité de leur logement locatif. Elles peuvent être victimes de discrimination de la part des propriétaires et des voisins. Les locataires peuvent estimer qu’il est finalement plus important de conserver leur logement actuel que de risquer de ne pas pouvoir en trouver un nouveau. Cette situation place de nombreux locataires dans la position de vivre dans des bâtiments qui ne sont pas accessibles d’un point de vue environnemental pour de nombreuses raisons (comprenant l’exposition aux produits chimiques dans les couloirs et parties communes ou les systèmes de chauffage et de ventilation communs, la fumée secondaire, le manque de contrôle de la chaleur, la construction et la rénovation constantes, les moisissures, les pulvérisations répétées de pesticides, ou la pollution sonore).

Les personnes LGBTQIA2S+, les minorités ethniques visibles et les groupes racialisés, les immigrants et les nouveaux arrivants au Canada peuvent avoir des difficultés supplémentaires à gérer la SCM. Les obstacles associés à la SCM sont amplifiés par les pratiques discriminatoires en matière d’emploi et de logement, par l’écart salarial entre les hommes et les femmes, plus prononcé pour les femmes autochtones et immigrées, et par le besoin permanent de services de santé culturellement adaptés, sûrs, équitables et inclusifs.

La discrimination, le manque de reconnaissance, de traitement et de services sociaux causent des dommages physiques, émotionnels et sociaux.

En partie à cause des formes de handicaps cognitifs et neurologiques liés à la SCM, et en partie à cause d’un manque de sensibilisation et d’éducation des proches, de la famille, sur les lieux de travail, des professionnels de la santé, des membres de la communauté et des soignants, la communication par les personnes atteintes de SCM autour de leurs besoins de soutien peut être difficile. Cela peut être d’autant plus prononcé lorsque les personnes atteintes de SCM ne se sentent pas bien, ou viennent de subir une exposition ou de se confronter à un espace inaccessible. À long terme, lorsque l’accès aux ressources sociales est limité ou que les systèmes de soutien social sont défaillants, les personnes atteintes de SCM peuvent être exposées à l’isolement social, à la négligence et à la maltraitance. Ce phénomène peut être particulièrement prononcé chez les adultes et les personnes âgées.

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(En-tête) Nos sources d’information

Kassirer, J, et Sandiford K. Impacts socio-économiques des maladies environnementales au Canada. 15-11-2000. Société canadienne des maladies environnementales.
CHIMIE VERTE : Pierre angulaire d’une Californie durable.
Janvier 2008. The Centers for Occupational and Environmental Health, Université de Californie. Voir : http://coeh.berkeley.edu/greenchemistry/briefing/